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Analyse détaillée sur certains points du nouveau rapport

Il est primordial de comprendre que les scenarios présentés dans ce 3e volet du rapport du GIEC ne sont ni des prédictions, ni des prévisions pour l’avenir. Ce sont des chemins possibles, fonction d’hypothèses prises et mises dans un modèle qui a lui-même ses avantages et inconvénients.

du 5 avril 2022 au 16 mai 2022

Rapport du 4 avril 2022
On se rend très vite compte de la complexité des effets du changement climatique sur nos sociétés lorsque l’on plonge plus en détail dans le résumé technique, et dans le rapport lui-même. Même s’il est toujours difficile de faire une sélection, voici quelques éléments à retenir.
 

Comment ne pas mal interpréter les scénarios d’émissions dans le rapport du GIEC


Il est primordial de comprendre que les scenarios présentés dans ce 3e volet du rapport du GIEC ne sont ni des prédictions, ni des prévisions pour l’avenir. Ce sont des chemins possibles, fonction d’hypothèses prises et mises dans un modèle qui a lui-même ses avantages et inconvénients.
Aussi, et c’est important de le rappeler, le GIEC ne recommande RIEN. Ni pro ENR, ni pro nucléaire, ni croissance verte, ni décroissance. Il fait la synthèse de la littérature scientifique sur le sujet. Si sur 10 scénarios 9 indiquent la fusion nucléaire opérationnelle en 2030 partout dans le monde et 1 scénario indique que non, cela ne veut pas dire qu’il y a 90% que cela arrive.

Joeri Rogelj, auteur principal du groupe 1 du GIEC, a résumé en 5 points les erreurs de lecture à éviter :
  • N’interprétez pas l’ensemble des scénarios comme un échantillon statistique ou en termes de vraisemblance/accord dans la littérature ;
  • Ne vous concentrez pas uniquement sur les médianes, mais considérez toute la gamme de l’ensemble de scénarios ;
  • Ne pas sélectionner des scénarios individuels pour tirer des conclusions générales (pas de cherry-picking donc !) ;
  • Ne pas surinterpréter les résultats des scénarios et ne pas s’aventurer trop loin de l’objectif initial de la recherche ;
  • Ne pas conclure que l’absence d’un scénario particulier signifie que ce scénario n’est pas possible.
 

Est-ce que la baisse de la demande (sobriété) est compatible avec une hausse du bien-être ?


Malgré les idées reçues, le GIEC apporte quelques précisions sur la question du bien-être et la sobriété. Ainsi, il est écrit dans la FAQ:

Il est de plus en plus évident que la simple valeur monétaire de la croissance des revenus est insuffisante pour mesurer le bien-être national et individuel. Par conséquent, toute action visant à atténuer le changement climatique est mieux évaluée par rapport à un ensemble d’indicateurs qui représentent une plus grande variété de besoins pour définir le bien-être individuel, la stabilité macroéconomique et la santé planétaire. De nombreuses solutions qui réduisent la demande de matières premières et d’énergie fossile, et donc réduisent les émissions de GES, fournissent de meilleurs services pour contribuer au bien-être pour tous ».

 

Non, il ne reste pas X années avant le drame


Le GIEC n’a jamais indiqué qu’il restait X années avant « la fin du monde », « l’effondrement » ou autre superlatif pour caractériser le réchauffement climatique et ses conséquences. Le climat ne marche pas comme cela. Tout ne sera pas OK le 31 décembre 2029 à 23H59, et puis la minute d’après, le monde va s’écrouler.

La littérature scientifique donne quelques indices sur les dangers d’annoncer une deadline, avec entre autre une certaine rhétorique qui obligerait le GIEC à prendre la responsabilité d’une date précise. Que se passerait-il si une date était indiquée et qu’il ne se passait pas exactement ce qui avait été indiqué ? Toute la crédibilité du GIEC s’effondrerait.

De manière générale ce sont les ONG et activistes climat qui emploient cette formulation, en souhaitant bien faire et insister sur l’urgence. Mais il est déjà arrivé que la presse publie des unes avec des deadlines et comme « l’effondrement » de X ou Y n’est pas arrivé, les climatosceptiques se sont jetés sur l’occasion pour se moquer du mouvement climat.
La logique est et restera toujours la même : chaque jour compte, chaque jour d’inaction a des conséquences et réduit la marge de manœuvre pour respecter nos engagements climatiques.
 

Que signifie +3.2°C ?


Cela fait référence au point C.1 dans le Résumé pour les décideurs, qui indique que « sans un renforcement des contributions déterminées au niveau national au-delà de celles qui sont mises en œuvre d’ici la fin de 2020, les émissions de GES devraient augmenter au-delà de 2025, conduisant à un réchauffement planétaire médian de +3.2°C d’ici 2100 (confiance moyenne).
Dans la mesure où les travaux du GIEC n’ont pris que des travaux AVANT la COP26, on peut considérer que les engagements pris lors de la COP26 viennent réduire cette hausse de température. Après la COP26, suivant les nouvelles promesses , nous serions selon Climate Action Tracker 
  • vers une trajectoire à +2.4°C (fourchette +1.9°C à +3.0°C) si les engagements de 2030 sont respectés;
  • vers une trajectoire à 1.8°C (1.5C à 2.6°C) si les engagements de neutralité carbone long terme sont respectés.
fig 9

Et le nucléaire ?


Le nucléaire a tendance à accaparer 90% des débats sur l’énergie en France, alors qu’il est loin d’être majoritaire dans notre mix énergétique (les énergies fossiles dominent très largement).
Dans le résumé pour les décideurs, le mot « nucléaire » (nuclear) n’apparait que deux fois, dont une fois pour signifier qu’il y a un coût d’investissement important pour en bénéficer (point C.3.6).
Dans le résume technique, il apparait 8 fois, et notamment dans la table TS.2, qui est une comparaison des principales caractéristiques des scénarios d’atténuation prévoyant une action immédiate pour limiter le réchauffement à +1.5°C / +2°C par rapports aux scénarios actuels suivant les NDCs jusqu’en 2030 :
fig 10
Il faudra probablement réaliser un travail similaire pour le nucléaire que sur le Rapport Spécial 1.5, mais pour le cas spécifique de la France, le travail réalisé par RTE est probablement préférable.
Le mot de la fin
Ce nouveau rapport du groupe de travail 3 du GIEC confirme que nous avons les solutions, qu’elles sont accessibles et qu’il ne manque que la volonté politique pour qu’elles soient mises en œuvre.

A nouveau, c’est la première fois dans l’histoire qu’un rapport scientifique a et aura autant d’importance, tant sur le plan scientifique, politique, géopolitique et économique. Ses conclusions seront entre autres déterminantes pour les négociations à venir de la COP27.

Vraiment, lisez au moins le résumé à l’intention des décideurs. Des termes très forts ont été évoqués, comme la fermeture prématurée de certaines infrastructures d’énergies fossiles. Il faut que tout le monde s’empare de ce rapport et ne laisse plus aucun politique ou dirigeant d’entreprise continuer le business as usual : nous n’avons plus le temps.
Informations complémentaires
Source : bonpote.com